Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Upsilandre Retrogaming

QUAND STAR WARS MIME ALEX KIDD

J'ai découvert tout récemment que le Star Wars de Namco sur Famicom n'était pas du tout le Star Wars NES qu'on avait en occident. Un mauvais tri de mon "fullset" numérique m'a fait passé à coté jusqu’à maintenant. C'est un Star Wars bien plus vieux que ceux de la NES, disponible 4 ans auparavant. Mais pour un jeu de 1987, si on excepte la difficulté bien trop élevé, le feeling est plutôt bon. Cette version propose de l'action-plateforme plus classique, à la japonaise.

 

Star Wars Namco 1987

 

L'absence de ce Star Wars sur NES est simple à expliquer. Namco est entré en conflit avec Nintendo en ce qui concerne la gestion de la NES en occident où les avantages pour les éditeurs historiques étaient bien inférieurs. Namco a décidé d'éditer aucun de leurs jeux sur NES. Une position assez radical avec quelques exceptions car Namco commercialisera quelques jeux par l’intermédiaire d'autres éditeurs (principalement Bandai pour Galaga, Dragon Spirit, Dig Dug 2) et se vengera aussi par l’intermédiaire de Tengen, la branche d'Atari racheté par Namco qui commercialisera des jeux NES non licencié (tout du moins jusqu’à la perte du procès) tel que Pac-Man, Ms Pac-Man ou Rolling Thunder.
Faire l'impasse sur ce jeu Star Wars plutôt correct, au moment où la NES commence seulement à s'installer au US avec un catalogue encore limité, permet de réaliser à quel point Namco était déterminé car cela aurait probablement été un carton. Mais cette résistance n'aura pas servie a grand chose à priori puisque Namco finira par courber l'échine pour ne pas s'exclure du marché SNES ce qui donnera une bizarrerie: l'arrivée officiel de Pac-Man et Miss Pac-Man sur le marché US dans les tout dernier mois de vie de la NES pour Noel 1993.

 

Entrons dans le vif du sujet

Une fois passé cette surprise de la découverte d'un nouveau Star Wars japonais, je lance alors le jeu et me trouve face à une autre surprise encore bien plus grande. Plus je jouais et plus je comptais de point commun avec Alex Kidd qui semble pourtant n'avoir aucune connexion.

Il s'agit individuellement d’éléments anecdotiques mais le cumul m'a tout de suite interpellé. Seulement j'avais bien du mal a dire si cela venait de moi, si j'étais fou, jusqu'au moment ou j'en ai parlé sur twitter sans citer Alex Kidd et j'ai eu un retour positif. On m'a signalé que le programmeur du jeu Yoshihiro Kishimoto évoque succinctement l'inspiration Alex Kidd dans un interview de The Untold History Of Japanese Game Developers Volume 2 ce que j'ai pu vérifier. Je n'étais donc pas fou ^^.

Mais selon moi ça va bien au-delà de ce que laisse entendre la brève allusion de Kishimoto qui semble minimiser la chose. De ce fait je me suis alors dit que ca valait le coup de partager les nombreux points communs que j'ai pu trouver afin que chacun se fasse son avis:

  • Les 2 jeux sont principalement focus sur un gameplay de type action-platformer. L'une des particularités de Alex Kidd c'est son level design souvent construit autour d'assemblage de blocs destructibles ce qui est une singularité notable. Des blocs de différentes catégories visuellement identifiables: destructible, non destructible, ou qui contiennent un butin. On retrouve ça dans ce Star Wars.

 

  • Le scrolling de Alex Kidd a des caractéristiques identifiables. Il est principalement horizontal et peut être aussi vertical mais sans jamais être multidirectionnel (diagonal). Il peut basculer de l'un à l'autre comme on l'observe dans le célèbre stage 1 lorsqu'on descend la crevasse jusqu’à tomber dans le lac mais cette bascule se fait uniquement quand on active le trigger qui est simplement la buté du scrolling. Si vous essayez immédiatement d'aller à droite lorsque vous tombez dans ce lac, le scrolling horizontal ne s'activera pas. Il faut d'abord faire descendre le scrolling tout en bas pour enclencher le scrolling horizontal. De plus, il n'y a jamais de backtracking (le scrolling ne va que dans une seule direction), que ce soit pour le scrolling horizontal ou vertical, ce qui est une caractéristique notable. Toutes ces caractéristiques précises on les retrouve dans Star Wars.
  • En plus de ces stages à scrolling, on trouve aussi dans Alex Kidd un autre type de stage qui sont un assemblage labyrinthique de salle en écran fixe (les "châteaux") souvent connecté par des échelles , pour exploiter au maximum la verticalité, et remplit de pics. On retrouve toutes ces caractéristiques dans certains stages de Star Wars.

 

  • Un autre élément qu'on retrouve dans les 2 jeux c'est un gameplay fullscreen sans aucun HUD. C'est quelque chose de rare.
  • Parlons maintenant du gameplay et notamment du saut qui est central dans ce type de jeu. Le saut de Alex Kidd est un saut avec nuancier (vertical et horizontal) dont la hauteur est indexé sur la vitesse horizontal ce qui n'est pas si fréquent. On peut avoir l'impression que c'est courant car on a tous l'exemple Super Mario Bros en tête mais ce n'est pas quelque chose qui a été si souvent reprit. Alex Kidd reprend cette caractéristique car il est lui même une réponse direct a Super Mario Bros et cette caractéristiques on la retrouve aussi dans ce Star Wars et avec les même quantité. Les hauteurs de saut sont similaires. C'est a dire 3 blocs (metatile 16x16) sans élan et 4 blocs avec élan.
  • L'autre élément d'un gameplay action-platformer est la confrontation avec les ennemis. Dans Alex Kidd on ne peut pas éliminer les ennemis en sautant dessus. Le seul moyen est de les frapper. On ne peut frapper que devant soi et à très courte portée. On retrouve tout ça dans Star Wars.  Avec le poing pour Alex et son sabre pour Luke. Mais il existe une autre alternative pour éliminer un ennemi dans Alex Kidd qui consiste à trouver l'item qui permet les attaques à distance. Il faut trouver le bracelet qui permet d'envoyer des attaques d'énergies droit devant soi qui traversent tout l'écran. Cette capacité disparaît à la fin du stage et il faut donc la récupérer au stage suivant. On retrouve toutes ces caractéristiques dans Star Wars sous la forme d'un item pistolet laser que l'on perd aussi à chaque fin de stage.

 

  • On est aussi face à 2 jeux en instant death. On meurt immédiatement au moindre contact avec un ennemi ou un danger. Il n'y a aucun PV contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre dans un jeu Star Wars. La volonté de mimer Alex Kidd semble plus forte. Ce choix semble d'autant plus forcé et suspect ici puisqu'il rend le jeu détestable par sa difficulté alors qu'il avait un bon potentiel.
  •  Aucun timer dans ces 2 jeux. Quelque chose de pas si fréquent non plus pour des jeux aussi vieux (86-87) ou les timer venu de l'arcade étaient encore souvent la règle. Super Mario Bros en est un exemple. Ça mérite d’être noté parmi les similitudes. On peut aussi constater une absence de continu dans les 2 jeux ce qui n'aide pas au problème de difficulté de ce Star Wars.
  • Alex Kidd est aussi un jeu qui s'appuie sur un certain nombre d'items consommables pour aider ponctuellement le joueur. Des items auxquels on accède au travers d'un menu pause et qu'on achète avec l'argent que l'on récolte. On retrouve tous ces éléments aussi dans Star Wars si ce n'est qu'on a pas besoin d'un shop pour les acheter. On les achète directement dans le menu avec les cristaux qu'on récupère. Certains de ces items sont très similaires dans l'exécution comme l'item pour voler et celui d'invincibilité.

 

  • Mais s'il y a bien un objet dont on se souvient dans Alex Kidd c'est la moto. La moto d'Alex a des caractéristiques bien précises. Elle enclenche un auto-scroll dont on contrôle uniquement la vitesse (c'est à dire ralentir le scrolling ou l'accélérer) et elle permet aussi d'avoir un super jump ainsi que d’écraser tous les ennemis. Puis elle se détruit si elle tape de face un bloc rigide. On retrouve exactement toutes ces caractéristiques dans Star Wars avec l'item hovercraft que le jeu vous propose dans 2 ou 3 stages. C'est l'un des exemples le plus flagrant de copiage d'Alex Kidd qui laisse peu de doute.

 

  • On se souvient très bien aussi des stages sous l'eau de Alex Kidd. Ce qui caractérise ce type de phase de gameplay c'est un Alex qui "vole" en position couchée avec une certaine inertie et qui par défaut a tendance à monter quand on lâche les contrôles. On retrouve ce gameplay dans un stage de Star Wars et on retrouve même les 2 types de poissons d'Alex Kidd avec les mêmes patterns et apparences.

 

  • Et ce ne sont pas les seuls ennemis d'Alex Kidd qu'on retrouve à l'identique dans Star Wars (apparence et pattern) tels les grenouilles emblématiques de Alex Kidd ou les feux follets. Globalement les ennemis ont le même type de pattern très basique. On peut remarquer aussi que les ennemis des 2 jeux meurent dans un nuage de fumée (voir le gif de la moto).

 

Ceci est donc un résumé de la plupart des points de similitude que j'ai trouvé en jouant et je les trouve assez édifiant. Yoshihiro Kishimoto ne fait pas vraiment allusion à tout ceci dans l'interview. Par contre il évoque les combats de boss étrange avec Dark Vador, notamment le premier qui se transforme en scorpion, comme quelque chose inspiré de Alex Kidd mais je comprend pas tellement la pertinence de cette allusion si ce n'est que les scorpions font partie du set d'ennemi de Alex Kidd.

Les combats de boss peuvent en effet vaguement être reliés à ceux de Alex Kidd sur certain point mais c'est pas très probant. Si l'exemple de Dark Vador n'est pas très pertinent c'est probablement parce que Yoshihiro Kishimoto n'est que le programmeur du jeu. Le chef de projet c'est Shinichiro Okamoto. C'est à priori de lui que vient l'idée de piocher dans Alex Kidd. C'est donc lui qu'il faudrait interroger sur cette question.
Et il ne s'est pas arrêté à cette inspiration car Shinichiro Okamoto avait précédemment piloté un autre projet Famicom, Star Luster (85), qu'il va aussi recycler dans ce Star Wars pour produire les phases de shoot en first view qui sont des intermèdes entre les stages action-plateforme. On peut voir ici Star Wars a gauche et Star Luster à droite.

 

Ma théorie c'est que Shinichiro Okamoto est arrivé au premier brainstorming du projet Star Wars avec la cartouche Alex Kidd (voir aussi Star Luster) dans ses mains ^^ . Il y a trop de point commun selon moi pour que ce soit juste une lointaine inspiration qui serait presque inconsciente et encore moins une coïncidence. Ca semble plutôt être quelque chose qui a certainement été annoncé et assumé, pendant le développement tout du moins.

Il se trouve que le timing correspond parfaitement aussi. Ce Star Wars a été commercialisé exactement 13 mois après Alex Kidd. On peut donc supposer que le projet a débuté 2 ou 3 mois après la sortie de Alex Kidd quand il était en pleine actualité. Ce qui est amusant c'est que Alex Kidd lui même a beaucoup pioché ailleurs. Pas seulement dans Super Mario Bros, le sprite d'Alex est quasiment celui de Teddy Boy, les grenouilles sont celles du jeu My Hero et selon moi la moto est inspirée du skate de Wonder Boy.

 

Pour boucler la boucle je citerais Kotaro Hayashida le chef de projet de Alex Kidd (et Phantasy Star) qui dans cette interview dit ceci: "Ce jeu (Alex Kidd) est en fait l'histoire d'une guerre interstellaire. En termes de films, c'est Star Wars" :)

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
la présence de scrolling horizontal et vertical sous qu'il ne soit pour autant possible de faire un scrolling diagonal me semble assez typique de la NES。 Si j'ai bien retenu, c'est même Une contrainte technique imposée par le hardware qui n'a pas la possibilité de "monter plus de 2 écrans dans la VRAM。
Répondre
U
Effectivement il n'y a que 2 écrans en VRAM (512x240 ou 256x480) mais c'est pas vraiment un problème pour le scrolling multidirectionnel, c'est même bien plus que sur Master System (dont la tilemap en VRAM est limité à 256x224) sans que ca empêche de faire des jeux a scrolling multidirectionnel (il y a pas besoin de beaucoup de marge pour mettre a jour la tilemap, notamment la petit bande noire a gauche de 8 pixels que tu peux activer en hardware sur les console 8bit peut déjà suffire pour le scrolling horizontal). Il y a des dizaines et des dizaines de jeux a scrolling multidirectionnel sur NES. Le problème c'est surtout la granularité de la "color map". Les palettes ne sont pas géré a la tuile 8x8 mais plutôt avec une granularité 16x16 voir 32x32 et donc pour les scrolling multidirectionnel ca produit en général des glitch de palette sur les bords le temps de mettre a jour mais les devs s'en fiche car c'est dans l'overscan en général (l'image NES est en 240p pas en 192p comme sur Master System, c'est même plus que les jeux SNES et MD qui sont en 224p en général) sauf pour les jeux PAL ou la les glitch vont être visible donc parfois ils tentent des astuces pour le cacher comme dans Super Probotector.
O
Super article extrêmement détaillé. Merci, c'est parfait je viens de l'incorporer à ma fiche du jeu STAR WARS. :-)
Répondre
U
Merci et tant mieux si ca peut servir c'est encore mieux :)
K
Encore un super article : un sujet peu abordé qu'est le mimétisme entre les jeux vidéos. Certains diront qu'ils ont eu des inspirations fortuites, d'autres le nieront en bloc. Le rapprochement des gif met bien en exergue les 2 titres, au niveau graphismes, et jouabilité. Qu'en est-il des musiques ?<br /> <br /> Merci encore de nous régaler de vos connaissances !
Répondre
U
Effectivement j'ai pensé a l'audio qu’après avoir publié. J'avoue que j'ai pas fait attention. Peut être que certain trouveront d'autre similitude :)